top of page
Randonnée homme dans la nature

L'AMBITION DE SEUIL

"Quelle magnifique ambition que celle, portée, en 2000, par Bernard Ollivier le fondateur de Seuil, offrir une alternative crédible de prise en charge éducative à des jeunes, souvent qualifiés dans ces années-là, « d’incasables ». 20 ans plus tard, crédible, elle l’est, plus que jamais et en particulier pour les jeunes incarcérés ou placés dans les centres éducatifs fermés.


Aujourd’hui, où il faut aller le plus rapidement possible d’un point à un autre, en utilisant des moyens étonnants, le vélo, la trottinette, naturellement électriques, le gyropode, le monocycle, l’hoverboard, Seuil fait le pari de la lenteur et du long terme. La marche est un médium pédagogique d’exception. Elle permet de mettre le corps au centre de l’action et en mouvement. Elle offre une activité physique où on prend son temps, elle favorise un équilibre psychique. Elle aide le jeune à trouver ce qui le met en joie, à mettre des mots sur ses colères et à apprivoiser ses émotions.


L’itinérance, à un rythme sans excès, est un heureux mélange d’activité et de contemplation. Elle procure d’elle-même un apaisement si le jeune s’installe durablement dans le projet. L’objectif de la marche Seuil n’est pas d’atteindre un lieu particulier comme dans un « pèlerinage », mais de marcher pour le seul plaisir de marcher, au-delà des lassitudes, des doutes ou souffrances inévitables. Ce vagabondage à deux, organisé, un jeune allant son chemin accompagné par un adulte, lui permet de trouver un nouvel équilibre et fait émerger un « monologue intérieur ». La marche, avec des temps de silence quotidien, est un générateur et accélérateur d’émotions. Elle apporte le plaisir de se sentir léger et vivant.


La marche impose une expérience de compagnonnage surprenante. Accepter de partir avec une personne inconnue avec qui il faudra cohabiter et construire une relation faite de solidarité, de partage, de respect et bienveillance mutuels se révèle être une expérience nouvelle pour le jeune et participe grandement à développer sa capacité de se mettre à la place de l’autre, des autres, et à réduire son égocentrisme. Étape après étape, l’évolution de cette relation est palpable, c’est un mixte d’autorité, d’amitié, de fraternité, de complicité, de disputes, de rires… Avec au final, parfois un lien fort pendant la marche et persistant après.


La marche Seuil a quelque chose de magique. Dans le sens où, comme dans un tour de magie où on ne voit et comprend pas tout, il en va de même pour la marche et cette part de mystère en fait la beauté. On ne comprend pas de manière rationnelle, logique pourquoi tel jeune ira au terme de sa marche, tel autre s’arrêtera prématurément… La marche Seuil est un voyage initiatique, pour ainsi dire un adieu à l’adolescence. L’action éducative c’est une prise de risque et partir avec Seuil l’amplifie. C’est un saut dans l’inconnu, c’est un pari et comme dans tout pari il y a une part d’incertitude. Il n’y a pas d’action sans incertitude. S’il n’y a pas d’incertitude dans ce que le jeune entreprend, c’est qu’il fait ce que l’on lui demande de faire. Alors que Seuil va lui demander d’agir. Et d’agir vraiment. Agir c’est prendre en compte les contingences de la marche et ses obstacles. Agir, c’est faire avec le changement. Le jeune va d’une certaine façon s’abandonner au temps, disparaître. Et revenir avec le sentiment d’être quelqu’un, d’être important. Il est souhaitable de conserver au projet Seuil cette part d’incertitude, c’est sa force et qui lui confère un côté magique. Seuil, c’est une histoire « d’alignement des planètes », le bon moment, la bonne personne, les bonnes rencontres."

Paul Dall'Acqua

bottom of page