La conclusion de la sociologue Bénédicte de Lataulade après avoir analysé en 2020 une trentaine de marches réalisées par des adolescents avec SEUIL.
Des marches de résilience
SEUIL organise des marches éducatives pour des adolescent(e)s en difficulté ou en rupture familiale, scolaire et/ou sociale, parfois engagés dans la délinquance, et plongés dans une situation sans issue.
Les jeunes sont incités à devenir les acteurs de leur propre réinsertion par une marche individuelle, de longue durée (2 à 3 mois – 1.000 à 1.600 km), en France ou à l’étranger, en compagnie d’un adulte.
L’association a été créée en 2003 par Bernard Ollivier, ancien journaliste, écrivain-voyageur : « L’enfermement n’est pas la solution. Le sentiment de liberté qu’offre la randonnée, le bonheur de se dépasser et surtout les rencontres qu’elle procure sont la vraie voie vers la résilience, cette capacité à se remettre d’un traumatisme décrit par Boris Cyrulnik. »
Redonner confiance pour construire un projet de vie
En s’engageant dans le défi physique et mental que représente cette marche, l’adolescent :
Découvre un environnement nouveau qui rompt avec ses anciennes habitudes ;
Réalise un apprentissage de l’autonomie, de ses libertés comme de ses exigences ;
Partage d’intenses moments d’épreuves ou de joie avec son compagnon de route ;
Éprouve le plaisir de rencontres entourées de bienveillance avec d’autres randonneurs ; S’initie naturellement au temps long, au silence, et à la réflexion.
L’expérience, avec la gradation de toutes les épreuves traversées et réussies, redonne une grande confiance à l’adolescent et le conduit progressivement à construire un projet de réinsertion pour son retour de marche.
L’équipe éducative de Seuil est en contact téléphonique permanent avec l’adulte accompagnant la marche ; elle aide le duo à résoudre les éventuelles difficultés et se déplace sur le lieu de la marche chaque fois que nécessaire ; elle assure les relations avec la famille, les éducateurs ou le juge.
Les services de l’Aide Sociale à l’Enfance – ASE -, qui ont reconnu à l’association le statut de Lieu de Vie et d’Accueil en 2014, et ceux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse – PJJ -, qui ont établi en 2013 un partenariat durable avec elle, reconnaissent la validité de ces marches éducatives.
« Le seul fait de partir est déjà une victoire »
Selon les conclusions de Bénédicte de Lataulade :
Près de 60% des jeunes entament effectivement un parcours de réinsertion au retour de leur marche (rappelons que 75% des mineurs incarcérés récidivent à leur sortie de prison quand cette sortie n’est pas accompagnée) ;
84% des éducateurs estiment que la marche est un succès même si le jeune n’est pas allé jusqu‘au bout : « le fait de partir est déjà une victoire ».
Moins coûteux qu’une incarcération et avec moins de récidive à la sortie, SEUIL doit développer son action.
Les effets positifs des marches sont indéniables : nos études le montrent, les éducateurs en sont persuadés.
En accueillant 35 adolescents chaque année (y compris dans la période de pandémie actuelle), SEUIL a certes doublé son activité depuis 5 ans, mais celle- ci reste marginale. Faute de moyens, Seuil reste absent de la moitié des départements français, alors que plusieurs milliers de jeunes y sont pris en charge par la PJJ ou les services d’aide sociale à l’enfance, et qu’une marche SEUIL serait justifiée pour beaucoup d’entre eux.
Notre objectif est de doubler en trois ans le nombre de jeunes accueillis.
Quand on sait qu’un jeune accueilli par SEUIL coûte jusqu’à moitié moins cher qu’un jeune incarcéré, et récidive moitié moins, il est d’intérêt public, et il est plus que temps, que la puissance publique augmente les moyens qu’elle accorde à l’association.
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